Aujourd’hui en France, trop souvent, lorsque l’on entend des critiques contre le Prophète Mohammad (ﷺ), on remarque que c’est essentiellement les propos de Voltaire qui sont mis en avant. Dans le discours des détracteurs du Prophète de l’islam, la pièce théâtrale « Mahomet, ou le fanatisme » composée par Voltaire en 1742, est considérée comme le parfait exemple pour dépeindre le personnage du Prophète Mohammad (ﷺ).

Alors, est-ce par ignorance de la littérature voltairienne, ou plutôt par un honteux dessein, que d’autres propos et écrits de Voltaires sur Mohammad, bien plus postérieurs à cette fameuse pièce théâtrale, sont passés complètement sous silence ? Force est de constater, qu’une lecture attentive et non sélective de la littérature des lumières, dont nous citerons quelques propos ci-dessous, nous révèle que derrière les actuels chantres de la liberté d’expression se cachent en fait de piètres maîtres censeurs.

En effet, à des années lumières de l’honnêteté intellectuelle, les détracteurs d’aujourd’hui censurent Voltaire et tant d’autres penseurs Occidentaux, ayant tenu des propos objectifs sur l’islam et le Prophète Mohammad (ﷺ). Alors que Voltaire parle du Prophète Mohammad (ﷺ) à plusieurs endroits de son oeuvre, parfois, il faut le reconnaître, en des termes plus qu’élogieux ; hélas, ce ne sont que les vieux propos négatifs de Voltaire qui sont propagés, particulièrement cette fameuse tragédie datant de 1742.

Le vrai sens de cette pièce théâtrale de Voltaire

Dans cette tragédie, le Prophète Mohammad (sbdl) est présenté sous le jour le plus faux. Voltaire met en scène une intrigue de fiction dans laquelle « Mahomet ordonnât un meurtre, et se servît de sa religion pour encourager, à l’assassinat, un jeune homme (Séïde) dont il fait l’instrument de son crime ». Cette mise en scène n’est en fait, qu’un excellent subterfuge pour s’attaquer à l’Église. Les représentations triomphales de cette pièce ne manquèrent pas de susciter des protestations, « non pas par souci du Prophète mais parce que Séïde ressemble comme un frère à Ravaillac (assassin d’Henri IV) et, du coup, les chrétiens aux musulmans » 27. Le Mahomet de cette pièce est complètement imaginaire, tout comme l’est l’Orient dans les Lettres persanes de Montesquieu. Pour déjouer la censure, les auteurs préféraient déplacer la scène dans un ailleurs exotique.

Goethe, qui avait traduit la pièce en allemand pour complaire à son maître, le prince Charles-Auguste de Weimar, parla de ce sujet à Napoléon qu’il rencontra à Erfut. L’Empereur rétorqua :
– Je n’aime pas cette pièce, c’est une caricature !
– Je suis de l’avis de Votre Majesté, j’ai fait ce travail à contre-coeur.

Mais dans cette tragédie, dans ces tirades contre le fanatisme, ce n’est pas l’islam qui était visé, mais l’Église catholique.
– Les allusions, dit Napoléon, sont tellement voilées que cet impertinent a pu dédier son oeuvre au pape… qui lui a donné sa bénédiction (Jean Prieur, Muhammad, Prophète d’Orient et d’Occident, Paris, Éditions du Rocher, 2003, p. 215).

La vérité sur les derniers écrits de Voltaire sur Mahomet

Après ses périodes franchement hostiles à toute forme de révélation et après avoir traité Moïse de sorcier, Jésus de juif fanatique et Mahomet d’intrépide, en bon élève tardif de Boulainvilliers, Voltaire parlera du Prophète Mohammad (ﷺ) comme d’un « enthousiaste » et non plus comme d’un imposteur. Il montrera surtout plus d’impartialité pour sa religion qui fut pour lui, le « pur théisme ».

C’est en travaillant en véritable historien, sur son Charles XII que Voltaire forgea ses idées sur le monde musulman et plus particulièrement sur les Ottomans. Il découvrit alors « la tolérance des Turcs ».

Avec le Traité sur la tolérance qu’il écrira à la suite de l’affaire Calas, Voltaire sera l’apôtre vénéré des théistes. Toujours est-il que l’évolution de Voltaire sur l’islam arrive à son point culminant avec l’Examen important de milord Bolingbroke, ou le tombeau du fanatisme, intégré au Recueil nécessaire, en 1766. Dans cet écrit, il fustige sévèrement le christianisme et fait l’éloge du Prophète Mohammad (ﷺ) qui établit un culte qui « était sans doute, plus sensé que le christianisme ».

La dernière phase de Voltaire sur l’islam se situe entre 1768 et 1772. Il revient sur certaines de ses positions intransigeantes concernant le christianisme, sans renoncer à ses convictions dans l’enseignement de l’islam :

Sa religion est sage, sévère, chaste et humaine : sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu’elle n’a point de mystère ; sévère puisqu’elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu’elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste, puisqu’elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l’Orient ; humaine, puisqu’elle nous ordonne l’aumône, bien plus rigoureusement que le voyage de La Mecque. Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la tolérance.

Depuis 1742, date à laquelle Voltaire a présenté sa pièce de théâtre « Mahomet » à la Comédie française, le chemin parcouru est long. Ce jour-là, il attaquait « le fondateur de l’islam » pour montrer comment les religions ont été établies. Puis vingt-huit années plus tard, en 1770, il le défend pour soutenir que « d’autres peuples pouvaient penser mieux que les habitants de ce petit tas de boue que nous appelons Europe ».

La mahométane est la seule qui en ait fait un précepte légal, positif, indispensable. L’Alcoran [le Coran] ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrées. La prohibition de tous les jeux de hasard est peut-être la seule loi dont on ne peut trouver d’exemple dans aucune religion.

Toutes ces lois qui, à la polygamie près, sont si austères, et sa doctrine qui est si simple, attirèrent bientôt à la religion, le respect et la confiance. Le dogme surtout de l’unité d’un Dieu présenté sans mystère, et proportionné à l’intelligence humaine, rangea sous sa loi une foule de nations et, jusqu’à des nègres dans l’Afrique, et à des insulaires dans l’Océan indien.

Le peu que je viens de dire dément bien tout ce que nos historiens, nos déclamateurs et nos préjugés nous disent : mais la vérité doit les combattre.

En somme, on peut dire que Voltaire ne dérange pas les musulmans.

En effet, quand bien même son attitude vis-à-vis de l’Islam reste ambivalente, beaucoup seront surpris de l’apprendre : dans ses écrits les plus tardifs, par exemple son dictionnaire philosophique 1764, Voltaire – libéré de ses préjugés – est plus enthousiaste au sujet de l’Islam, qu’il n’est critique.

Dans ce dictionnaire à l’article Mahométans, il écrit :

Je vous le dis encore, ignorants imbéciles, à qui d’autres ignorants ont fait accroire que la religion mahométane est voluptueuse et sensuelle, il n’en est rien ; on vous a trompés sur ce point comme sur tant d’autres.

Chanoines, moines, curés même, dit Voltaire, si on vous imposait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jusqu’à dix heures du soir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arriverait dans ce temps ; si on vous défendait de jouer à aucun jeu de hasard sous peine de damnation ; si le vin vous était interdit sous la même peine ; s’il vous fallait faire un pèlerinage dans des déserts brûlants ; s’il vous était enjoint de donner au moins deux et demi pour cent de votre revenu aux pauvres ; si, accoutumés à jouir de dix-huit femmes, on vous en retranchait tout d’un coup quatorze ; en bonne foi, oseriez-vous appeler cette religion sensuelle ?

Et la fin de son article est une leçon qui déteste et rejette la caricature :

Il faut combattre sans cesse. Quand on a détruit une erreur, il se trouve toujours quelqu’un qui la ressuscite.

D’autres illustres penseurs occidentaux témoignent Georges Bernard Shaw, Irlandais, protestant, dramaturge, prix Nobel de littérature en 1925 (1856-1950) disait du Prophète Mohammad (sbdl), dans L’Islam authentique, 1935 :

J’ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohammad parce qu’elle déborde d’une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d’assimiler la phase changeante de l’existence – pouvoir qui peut la rendre si alléchante à toute période.

J’ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d’être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l’humanité. Je crois que si un homme comme Mohammad gouvernait le monde il réussirait à résoudre ses problèmes de façon qui lui apporterait la paix et le bonheur tant désirés.

J’ai prophétisé sur la foi de Mohammad, qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain, comme elle commence à devenir acceptable à l’Europe d’aujourd’hui.

Johann W. Goethe, célèbre poète allemand (1749-1832) disait de lui dans Divan occidental et oriental, 1819 :

Jusqu’à ce jour il n’est pas un homme qui puisse se comparer à Mahomet.

Il ajouta :

Si quelqu’un s’irrite de ce qu’il ait plu à Dieu D’accorder à Mahomet protection et honneur, Qu’après la maîtresse poutre de sa demeure Il attache une corde solide

Et s’y pende ! Cela tient et cela porte ; Il sentira que son courroux s’apaise.

Michael H. Hart, juif américain, astrophysicien (né 1932 à New York), dans son best-seller : Classement des 100 personnes les plus influentes de l’histoire de l’humanité, déclare :

Mohammad, plus que Jésus…, plus que Moïse…, est le seul homme qui ait réussi par excellence les deux plans : religieux et séculier… C’est cette union du temporel et du spirituel qui, à mon avis, fait de Mohammad la personnalité la plus influente de l’histoire de l’humanité.

Thomas Carlyle, Écossais, protestant, essayiste, satiriste et historien (1795-1881) dans Les Héros et le culte des héros, 1841, écrivit :

Le mensonge façonné avec de bonnes intentions destinées à cet homme [le Prophète Mohammad] ne déshonore que nous… Une grande âme silencieuse ; il était de ceux qui ne peuvent être autrement que sincères et convaincus, et que la nature elle-même a créé sincère. Alors que d’autres se complaisent dans des formules et des ouï-dire, contents de leur sort, cet homme ne pouvait se soustraire aux formules. Il était seul avec sa propre conscience et la réalité des choses… Une telle sincérité, ainsi qu’on veut bien la nommer, possède en réalité quelque chose de divin.

Le discours d’un tel homme est semblable à la voix qui émane du coeur même de la nature. Les hommes écoutent et doivent écouter ce discours mieux que tout autre… Le reste n’est que futilité en comparaison.

Il est étonnant et frappant de constater combien ce témoignage de Thomas Carlyle, insistant sur l’honnêteté et la sincérité du Prophète Mohammad (ﷺ), corrobore entièrement celui du grand rabbin de Médine, en son temps, l’an 622, ‘Abdullah Ibnû Salâm, qui dit :

Lorsque Mohammad arriva à Médine (lors de son Hégire) les gens affluèrent de partout, et se regroupèrent autour de lui. J’étais parmi ceux qui vinrent à sa rencontre. Quand je l’ai aperçu, je l’ai bien observé et écouté, et j’ai su aussitôt que son visage n’était pas celui d’un menteur.

Quatorze siècles séparent les propos de Thomas Carlyle, de ceux d’Ibnû Salâm, et pourtant le constat est exactement le même : le visage de Mohammad est celui de quelqu’un de sincère et d’honnête.

Cependant, une grande différence sépare les deux propos :

Abdullah Ibnû Salâm avait l’avantage de connaître la Thora dans laquelle étaient déjà mentionnés les traits et les qualités du prophète annoncé, tout comme il avait la chance de converser directement avec le Prophète Mohammad (ﷺ), ce qui l’amena à embrasser l’islam.

L’enthousiasme et les éloges exprimés par les biographes du Prophète ne sont pas en reste. Un auteur contemporain, Montgomery Watt, en historien exigeant et très critique des sources qu’il utilisa dans sa célèbre biographie consacrée au Prophète Mohammad (sbdl), réserve tout un chapitre pour parler de la grandeur de l’homme.

Quant à Jean Prieur, auteur de Muhammad, Prophète d’Orient et d’Occident, il écrit :

Depuis trois siècles, tout ce qu’il y a d’intelligent et de libéral en Europe a reconnu la grandeur du Prophète, ainsi que la valeur irremplaçable et universelle de son message (Jean Prieur, Muhammad Prophète d’Orient et d’Occident, Paris, Éditions du Rocher, 2003, p. 217).

Nous pouvons citer des dizaines de noms tels que : Victor Hugo, Léon Tolstoï, Annie Besant, James A. Michener, l’Indien Ramakhishna Rao, tous d’illustres penseurs, tous des non-musulmans. Leurs études sans préjugés de la vie du Prophète Mohammad (ﷺ), n’en déplaise à ses détracteurs d’aujourd’hui, les ont conduit à reconnaître sa valeur, à le respecter et à lui vouer la plus grande estime.

Ces témoignages honnêtes et courageux, de nos jours hélas occultés, contredisent et démentent totalement le fatras de caricatures et d’écrits de ceux qui, aujourd’hui, attaquent le Prophète Mohammad (ﷺ), sans jamais avoir vraiment lu sa biographie.